Voici maintenant l’heure de vous raconter nos quelques jours de vacances tous les quatre. Et quelles vacances ! Anne Laure et moi avons pris trois jours pour accompagner nos intrépides amis dans le Fernan Vaz. Espérons que ce récit parviendra à vous donner un aperçu de ce beau pays. Quant à l’intensité avec laquelle nous avons vécu tout cela, je ne suis pas sûr d’avoir la plume suffisamment affutée pour le retranscrire ! A ne pas lire si vous comptez y aller, cela pourrait vous gâcher de belles surprises !
Rendez vous donc le samedi matin au Vieux Port, entre les pirogues des pêcheurs de retour et les mamas qui écaillent depuis l’aube d’énormes poissons qui finiront pour la plupart en brochettes dans les divers maquis (petits restaurants) de Port Gentil. Une petite pirogue, dix places, moteur 90ch va nous permettre de rejoindre Omboué, où nous attend notre guide, Philippe. Départ en trombe, le pilote l’air confiant, file à travers la baie en direction de l’embouchure de l’Ogooué. C’est grâce aux multiples bras de ce fleuve qu’il est possible de se déplacer relativement facilement dans la région. Mais c’est ce qui fait de Port Gentil une île : L’île Mandji. Nous passons à proximité des « plates », les embarcations qui emportent le matériel sur les sites pétroliers. La marée est basse, l’une est posée sur un banc de sable... nous ne manquons pas de nous coincer, une fois de plus (pour ceux qui ont suivi l’épisode de la Lopé !)
Trois heures durant, nous traversons à toute vitesse les paysages de forêts de palétuviers. L’oeil non aguerri, nous ne parvenons pas à voir les petits crocodiles sur les branches des berges. Les gabonais qui nous accompagnent, eux, nous donnent l’impression de les voir, Tous ! C’est relativement frustrant, mais nous espérons en voir au cours de notre séjour ! C’est sous un grand soleil que nous traversons la lagune du Fernan Vaz et que nous accostons à Omboué.
Philippe nous attend. Présentations faites, nous allons manger dans un petit maquis des plats gabonais à base de poulet et d’antilope. C’est là que nous déterminons, en gros, notre programme des jours à venir : 1er jour au camp, 2ème et 3ème jour en pirogue dans le parc de Loango, 4ème jour pour visiter le Fernan Vaz.
C’est en 4x4 que nous rejoignons le camp. Isolé, il n’y a aucune habitation aux alentours. Seuls le domaine à l’abandon de la famille Michonet et la route d’accès à quelques centaines de mètres rappelle la civilisation. C’est sur un rocher surplombant l’océan que le camp Enamino est installé. Nous faisons la découverte de nos quartiers : deux tentes-bungalow face à l’Atlantique.
Le temps est bien sûr de la partie, et c’est immédiatement que nous voyons nos premiers animaux : des tortues de mer ! Il y en a des dizaines qui sortent à intervalles réguliers pour respirer. Nous enfilons nos maillots de bain et hop ! à la plage. Sur des dizaines de km au Nord et au Sud, aucune habitation. Nous sommes seuls, au paradis. Des centaines de petits crabes courent à toute allure se jeter dans la mer à notre passage. Nous courrons après, parfois nous arrivons à les rattraper, parfois ils nous feintent et se cachent dans un de leurs trous. A quelques dizaines de mètres du camp, nous trouvons des traces sur le sol. Des grosses, des petites. Des très grosses même ! Nos suppositions seront confirmées par Philippe : un hippopotame et son petit ainsi qu’une panthère et son bébé rôdent aux alentours du camp. Magique ! Nous tenterons de les voir se baigner en mer pendant tout notre séjour, en vain !
Deuxième repas. Dîner. Philippe mange avec nous à tous les repas. C’est l’occasion d’échanger, discuter, comprendre un pays à la culture bien différente de la nôtre. Au menu, un excellent potage de courge en entrée, puis des huîtres. Pour les connaisseurs, les double 0 sont des huîtres riquiqui comparées à celles proposées par notre hôte. Nous mangeons les plus petites crues. Les plus grosses, de la taille de la main sont préparées et grillées au four. Un régal. Je ne peux que vous laisser admirer ce magnifique plat, dont la photo ne retranscrit ni le goût, ni l’odeur. A ce jour, la plus grosse huitre ramassée par Philippe pesait 200 grammes de chair. Je vous laisse imaginer le poids de la coquille...
La suite du repas : un gigot d’antilope. Superbe. Viande croustillante dessus, tendre à l’intérieur, très bien assaisonnée et agrémentée d’une multitude d’herbes. Le tout, au cas où nous aurions encore faim, était accompagné de riz collant et de bananes frites. Croustillantes aussi les bananes, et si tendres à l’intérieur... J’en rêve encore ! Pour finir sur une note de sucré, Philippe nous a proposé des pamplemousses locaux, simplement coupés en petits morceaux, dans leur jus...
C’est donc avec le ventre bien rempli que nous avons rejoint notre lit, avec vue sur un océan éclairé par la pleine lune...
Très excités, nous n’avons aucun problème à nous lever tôt pour rejoindre la pirogue à la lisière du parc de Loango. Jonas, notre piroguier et nos deux super cuisinières nous ont accompagnés. La journée commence par la découverte de la lagune. Rencontre avec les pêcheurs locaux à qui nous achetons quelques poissons fraichement pêchés. Puis approche de l’île aux pélicans sur laquelle les arbres sont couverts de ces oiseaux mythiques, pour nous occidentaux. Ils sont des dizaines à vivre là, en paix, comme si nous n’étions pas là à les regarder.
Puis nous entrons dans le parc. Nous empruntons les étroits passages entre les arbres, ces petites rivières, toujours seul moyen de déplacement dans l’épaisse forêt. Nous n’étions pas passionnés d’oiseaux, mais là, le spectacle est époustouflant : aigrettes, martin-pêcheurs, martin-chasseurs, ibis, aigles pêcheurs, poules d’eau, pélicans et tant d’autres dont les noms nous échappent, volaient autour de nous dans un balai superbe. Les uns posés sur les branches font sécher leur plumes les ailes grandes ouvertes face au soleil, d’autres planent longuement et tombent en piquet en chasse de petits poissons, d’autres encore observent, simplement... Il est presque dommage que le bruit du moteur les effraient.
C’est à la vue de notre premier éléphant que le calme est revenu. Nous accostons sur la berge en silence et nous commençons l’approche. Il s’agit d’un vieux mâle, aux longues défenses, la peau sombre et l’air fatigué. Il est là, entre les herbes hautes nous observant approcher. Le terrain est découvert, peu d’arbres, mais des trous d’une cinquantaine de centimètres de profondeur dans la glaise le rendent difficilement praticable... les éléphants et leur poids ! Philippe est rassurant, même si Suzanne n’est pas très à l’aise ! Nous pouvons prendre quelques belles photos. Nous prenons le temps. Rien ne nous presse. Finalement, nous sommes en vacances et nous sommes là pour ça !
De retour sur la pirogue, nous apercevons quelques temps plus tard un grand troupeau de buffles. Trop loin nous le laissons regagner la forêt. Puis, intense moment, nous apercevons un crocodile, un beau fogavial, sur une berge en bordure du parc vers Akaka. Moteur coupé, nous laissons la pirogue glisser dans sa direction et dans un mouvement rapide, il s’est jeté à l’eau, gueule grande ouverte ! Notre guide est parvenu à le mobiliser quelques instants et nous avons pu l’approcher ! De très près ! Minute culturelle, il y a au Gabon, trois espèces de crocodiles : le fogavial à la gueule très allongée (souvent appelé caïman à tord), le crocodile du Nil beaucoup plus gros et trapu, et le crocodile nain avec un toute petite gueule !
Le midi nous avons fait une halte dans un vieux village abandonné. Quelques vestiges de temps anciens, une cabane utilisée par quelques pêcheurs locaux et nous. Après une sieste réparatrice au soleil, nous sommes partis sur les pistes des éléphants pour une promenade au cœur de la forêt Gabonaise. D’immenses fromagers, ces arbres typiques et toujours aussi impressionnants, sont porteurs de lianes si longues qu’il est difficile d’en voir le bout ! De bruit il n’y avait que nos pas et la faune en général. Cette atmosphère peut être décrite déstabilisante tout en étant très reposante.
De retour à la pirogue, nous avons rejoint notre lieu de campement. Une immense clairière bordée d’un côté par la rivière, de l’autre par la forêt. Avec le soleil couchant, c'était vraiment magnifique !
Après avoir planté les tentes et allumé le feu de camp, nous sommes partis à la rencontre des éléphants. Au loin, un spécimen seul au milieu de cette grande étendue broutait tranquillement. C’est là que nous avons décidé de nous approcher. Quinze minutes durant, nous avons longé la forêt, en prenant garde au sens du vent pour ne pas l’effrayer de notre odeur. Un a un nous avons pu l’approcher, l’observer, le photographier. La lumière du soleil couchant rendait cette atmosphère irréelle ! Puis il est parti, mais bien décidé à le suivre, nous avons pénétré à notre tour dans la forêt, le suivant progressivement. Un arrêt. Tout le monde est immobile, l’éléphant, nous... Un bruit, l’éléphant part, un cri « on court ! ». Cette fois ci NOUS courrons après l’éléphant. Les branches craquent, les feuilles s’agitent, puis la lumière revient, nous arrivons sur la rivière ! L’éléphant saute à l’eau, nage, peine à s’extraire de la berge pleine de boue, puis trace son chemin dans la forêt en face, craquant tout sur son passage... Adrénaline ! Je pense que c’est nous qui avons eu le plus gros pic ! Pas l’éléphant, ni les multiples petits crocodiles au soleil tout autour.
Pour retourner au camp, nous avons longé un grand troupeau d’éléphants, en famille ! Nous nous sommes régalés du bon poisson attrapé quelques heures plus tôt par les pêcheurs de la lagune, accompagné de riz cuit au feu de bois ! De longues conversations, tous ensemble autour du feu nous ont permis de mieux nous connaitre et une fois de plus échanger sur nos différents points de vue de cultures si différentes.
Avant de rejoindre notre lit, Jonas, notre piroguier nous a emmenés relever les filets posés dans la rivière voisine. Depuis la pirogue, à la lumière des torches nous pouvons apercevoir les yeux jaunes des crocodiles briller dans la nuit en bordure de rivière. En dix minutes, nous avons peut être vu une quinzaine de spécimens ! Rassurant quand on sait que la tente est à même pas cent mètres de là ! Cela ne nous a pas empêché de ramasser une vingtaine de carpes pour le repas du lendemain ! Jonas nous expliquait que pour la pêche, il faut relever souvent les filets, sinon les poissons pris se font attaquer par les crocodiles et ces derniers se coincent dans les filets à leur tour.
Le lendemain matin, après un copieux petit déjeuner, nous sommes passés récupérer des œufs abandonnés que Philippe avait trouvés la veille... Peut être espère-t-il pouvoir les faire éclore couvés par une poule ! Sait-on jamais ? Toujours entourés d’oiseaux, pêcheurs pour la plupart, nous avons rebroussé chemin. Nous avons vu un superbe martin pêcheur en pleine dégustation d’un poisson fraichement attrapé ! Pour le tuer, cet oiseau tape de toutes ses forces le poisson sur les branches. Surprenant !
Quelques minutes plus tard, nouvel éléphant. Philippe nous explique qu’il s’agit d’une femelle qui va bientôt mettre bas. Elle avait trouvé un petit coin tranquille. Nous n’avons donc pas cherché à trop la déranger, contrairement aux autres ! Il nous explique qu’il était important de toujours prendre le dessus lorsqu’on rencontre un éléphant. C’est une question de sécurité. Il vaut mieux qu’un éléphant ait peur des humains. Cela évite les accidents par la suite ! Cela dit, nous avons quand même pu approcher cette femelle à quelques mètres...
Sur le retour, nous avons rencontré quelques pêcheurs locaux, qui avaient attrapé de gros capitaines (poissons qu’on trouve au Gabon et très appréciés !). Dans leurs filets, un beau fogavial s’est noyé... Nous avons donc pu l’ausculter de près, même si nous trouvons un peu triste de voir un si bel animal mort... Mais même ainsi inoffensif, il n’est pas rassurant de s’asseoir à côté !
Avant de regagner la lagune, nous avons vu une multitude de petits crocodiles sur les branches, entrain de se dorer la pilule au soleil. Dont un en particulier qu’a attrapé Philippe sans aucune hésitation ! Et c’est vivant cette fois ci qu’il nous l’a remis entre les mains !! Il nous a bien précisé de bien tenir la tête et la queue... le plus dangereux ! Même Suzanne l’a pris !
De retour dans la lagune, nous avons fait un détour par le quartier des hippopotames. Ils étaient au rendez-vous ! La mère et sont petit se sont mis à l’eau devant nous ! Nous avons accosté pour aller voir leur tanière. C’est comme dans les films : un gros tas de boue ! Puis de retour à la pirogue, nous les avons approchés directement dans l’eau ! C’est vraiment superbe de les voir nous surveiller, inquiets, en sortant de temps à autre leur nez et leurs yeux de la lagune ! Philippe nous expliquait que ces animaux n’aiment pas du tout le feu ! C’est la raison pour laquelle il y a une disposition un peu spéciale à faire lorsqu’on monte un camp...
Pour le repas, nous avons rejoint l’embouchure de la lagune. En chemin, ou du moins à 300m de notre point d’escale, nous avons vu un énorme crocodile du Nil. 4m environ d’après Philippe. Il y a plus gros au Gabon... Jusqu’à 8m si je me souviens bien...
La, nos cuisinières nous ont préparé le poisson que nous avions pêché la veille. Elles nous ont expliqué comment ramasser les crabes de mangroves. Ils sont paraît-il très bons ! Nous nous sommes baignés, nous avons couru après les crabes sur la plage, nous avons passé de superbes moments, même si Christophe et Suzanne se sont perdus sur la plage... On n’a jamais su pourquoi...
De retour au camp, superbe repas à nouveau. Huitres à se remplir la panse et bonnes brochettes de capitaine ! Mais en apéro, nous avons fait un bon ti-punch avec la canne à sucre que nous avons ramassé dans le champ d’un ami à Philippe sur le retour... et que nous avons sucé pendant tout le trajet de retour en voiture ! Un bon sommeil, mérité et plein de rêves a clos cette journée magique.
Le lendemain a été une journée pour laquelle nous avions un peu peur d’être déçus. La visite de Sainte-Anne ne nous avait pas vraiment été conseillée. Mais nous avons fait confiance à notre super guide ! La visite était géniale ! Tout d’abord, Philippe nous a raconté toute l’histoire du lieu. Pas seulement au travers de livres, mais avec son point de vue : il y a vécu enfant. Nous avons eu les histoires de son enfance, nous avons découvert l’utilité de tous les bâtiments au cours du temps et rencontré des gens, des proches à Philippe qui habitent Sainte Anne.
Ensuite, Philippe nous a donné un véritable cours de botanique. Nous avons gouté le vin de palme, le « biberon », directement sorti du palmier par des amis à lui. Un goût particulier, qu’il faut essayer ! Puis il a envoyé son fils tout en haut d’un cacaotier nous attraper la dernière bogue, que nous avons pu déguster fraiche. Doux et sucré, ça aussi il faut le goûter ! Nous avons découvert comment poussait le poivre ! C’est bête mais je ne m’étais jamais posé la question. Il s’agit d’un parasite d’arbre. Le poivre blanc, c’est les graines encore vertes qui sont séchées, le poivre noir, c’est les graines mûres séchées. Tout simplement ! Du coup, nous avons récupéré notre petite poignée de poivre qui sèche à la maison ! Philippe nous a montré un arbre, dont la sève peut être utilisée comme de la cire anti-moustique. Nous avons donc fait des bougies à notre retour au camp, pour notre dernière soirée. Puis nous avons visité le cimetière, ce qui a permis d’appréhender un peu mieux l’histoire du lieu, avec tous les personnages qui ont fait vivre cette mission si importante pour le Gabon. A proximité, il y avait des corossols, un fruit exotique que nous avons mangé plus tard en purée avec du sucre et du citron vert, pas mauvais ! Philippe nous a aussi fait remarquer certaines plantes sensitives qui se ferment quand on les touche, un peu comme des plantes carnivores, sauf que ça n’en est pas !
Pour finir avec la visite, nous avons visité la cathédrale de bambous. Il s’agit du projet très ambitieux d’un des premiers prêtres de la mission qui consistait à faire pousser des bambous en forme de voute pour figurer la voute d'une église. Des messes y sont célébrer régulièrement. Malheureusement, cette cathédrale n’est pas entretenue...
Nous avons ensuite repris la pirogue pour visiter la rivière Mpivié. Une superbe rivière qui fait beaucoup plus inquiétant que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Cette rivière est infestée de crocodiles. Une couche d’algues vertes la recouvre, pas de vent, peu de lumière passe. Nous n’aurions pas aimé tomber dedans !
Pour finir, nous avons visité l’île aux Gorille. C’est vraiment ce qui nous a le moins plu. En effet, après tout ce que nous avons vécu, voir des animaux en captivité c’est moins intense. Ce projet vise à réinsérer des gorilles dont les parents ont été tués. On a donc pu assister au nourrissage ! Toutefois, quand on voit quelle puissance ont les gorilles, on n’aimerait pas tomber nez à nez avec eux en forêt...
Là où en revanche nous avons été extrêmement chanceux, c’est d’avoir croisé un lamantin...
De retour au camp et pour profiter au maximum de notre dernière soirée, nous avons fait un feu de camp au bord de la mer pour discuter longuement de toutes nos belles expériences. Pour finir, le lendemain, nous avons fait une longue promenade le long de la mer, nous avons ramassé plein d’huitres plus énormes les unes que les autres pour rapporter à Port-Gentil et visité le domaine des Michonet. Il ne nous reste à présent qu’à lire le livre : La mémoire du fleuve (lien vers Amazon)
Le retour s’est fait sans encombre, bien qu’on ait appris que la pirogue qui nous ait accompagnés à l’aller ait perdue son hélice le lendemain... Les pauvres allemands qui partaient en vacances n’ont pas apprécié, parait-il...
En conclusion, nous pouvons dire que ces vacances ont été exceptionnelles. Nous avons pu prendre conscience une fois de plus de la fragilité de ces écosystèmes à protéger, rencontré des gens d’une grande amabilité avec un grand sens de l’accueil et vécu une aventure humaine dont nous nous souviendrons longtemps.
Pour joindre Philippe du Camp Enamino: (00 241) 07 98 88 34 (surtout par sms) ou via son site Internet.
Grégoire